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#Mannequinat, le nouveau mode d’emploi

Publié le par Isabelle DEMETTRE

Des victimes de harcèlement sortent du silence, des chartes imposent de meilleures conditions de travail… le mannequinat est en pleine révolution.

Mannequinat mode d'emploi
Des mannequins défilent lors de la dernière Paris Fashion Week, le 4 mars. REGIS DUVIGNAU / REUTERS

« Les sujets ne doivent pas être laissés seuls avec un photographe, maquilleur, ou tout autre participant pendant un shooting. » « Tous les participants d’un shooting photo ou d’un tournage vidéo doivent se comporter de façon professionnelle et ne pas se livrer à des actes de harcèlement. » Voilà le genre d’injonctions que l’on trouve dans le guide Condé Nast pour lutter contre le harcèlement dans la mode. Il a été publié en janvier 2018, au moment où des photographes très influents accusés de harcèlement – parmi eux, Terry Richardson, Mario Testino, Bruce Weber – ont été mis au ban par des groupes de presse et des maisons de mode.

Quelques semaines auparavant, en septembre 2017, les groupes de luxe Kering et LVMH avaient ouvert la voie avec l’instauration d’une charte pour améliorer les conditions de travail et le bien-être des mannequins. La concomitance de ces événements n’est pas le fait du hasard : Instagram, qui s’est imposé vers 2015 comme le nouvel outil de communication de la mode, a bouleversé les rapports de force, donnant aux mannequins l’occasion de s’exprimer publiquement et, le cas échéant, de dénoncer certains agissements.

Et les agences dans tout ça ? On les a peu entendues, alors qu’elles sont pourtant au cœur du fonctionnement. Comment perçoivent-elles la situation ? Comment leur collaboration avec les mannequins a-t-elle évolué ? Réponse avec trois d’entre elles.

« On s’est toujours occupé des mannequins, c’est normal. Quand une fille étrangère arrive à Paris, on lui loue un logement, on lui trouve un rendez-vous chez le médecin, on lui fait un book de photos… », affirme Nathalie Cros-Coitton. Pour la présidente de la Fédération française des agences de mannequins et de l’agence Women, la compétition entre les agences est telle que « si on ne traitait pas bien nos mannequins, ils iraient directement voir la concurrence. Donc, au-delà de l’éthique, il y a des raisons économiques à agir ainsi »

Un espace à l’abri des regards

Pour certains directeurs d’agence, le tourbillon de ces dernières années n’a pas changé leur manière de travailler ; ils estiment que leurs agences ont toujours été irréprochables. Chez Elite, le président, Vick Mihaci, pense aussi que « les chartes n’ont rien changé à [leur] manière de faire ». Il rappelle qu’en droit du travail, la France reste un Etat précurseur, le premier au monde à avoir exigé des certificats médicaux, fréquemment contrôlés par l’inspection du travail ; c’est aussi un des seuls pays où les mannequins ont un statut de salarié et non d’indépendant. Selon lui, les dysfonctionnements dont les mannequins ont pu se plaindre sur Instagram viennent plutôt des marques et de la course à la nouveauté à laquelle elles se livrent.

« Elles ne laissent plus aux mannequins le temps de se développer, elles peuvent les lâcher après une saison », déplore-t-il. Il évoque aussi la pression exercée sur les designers : « La créativité, on ne peut pas en avoir tous les jours, et quand il faut faire huit collections par an, il y a saturation. C’est du travail de dernière minute, et l’organisation devient très compliquée. » Et ce sont les modèles qui en font les frais. Toutes les agences ont leur lot d’anecdotes sur telle fille, appelée la veille d’un défilé pour faire un essayage à minuit, puis rappelée à 2 heures du matin, et de nouveau à 4 heures… pour finalement ne pas être choisie pour le show.

« Ces dernières années, les mannequins étaient devenus un cintre, il n’y avait plus de respect de la personne. Les chartes ont permis aux marques de rectifier le tir », résume Lena Bodet, de l’agence Elite. « Avant, pour les défilés, les mannequins se changeaient là où ils pouvaient, peu importait qu’il fasse trop chaud ou trop froid, que ce soit plein de monde. Ça n’avait pas d’importance : c’était du bétail, résume Cyril Brulé, le directeur de l’agence Viva. Avec la charte, toutes les maisons ou presque se sont mises sur les rails. » Aux défilés, les mannequins ont désormais un espace à l’abri des regards pour se changer, un buffet conséquent où se restaurer, et même parfois un psychologue à disposition. Quant aux inévitables essayages, ils durent désormais moins longtemps : « A quelques exceptions près, maintenant, à 23 heures ou minuit, c’est fini, tout le monde est au lit ! », affirme Patrick Simon, d’Elite.

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