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Comment #Tinder choisit votre #partenaire sans rien vous demander

Publié le par Isabelle DEMETTRE

Dans son livre L’Amour sous algorithme, sorti jeudi 21 mars, la journaliste Judith Duportail dévoile les rouages de l’application de rencontres. Sexisme, discriminations, «âgisme»… Au fil des pages, on y découvre un Cupidon électronique complètement manipulateur.

«Tinder et une inscription au Club Med Gym, tout ça le même jour : le parfait package post-rupture.» En 2014, la journaliste Judith Duportail, 32 ans aujourd’hui, découvre l’application de rencontres Tinder. Excitée dès le départ, elle y trouve une manière de doper son amour-propre. 870 échanges plus tard, elle déchante. Si Tinder facilite la prise de contact, il efface tout hasard et spontanéité dans la recherche amoureuse. Dans son livre L’Amour sous algorithme, publié ce 21 mars aux éditions Goutte d’Or, la jeune femme tente de comprendre le fonctionnement de cette entreprise, responsable selon elle d’un véritable «capitalisme sexuel».

Note de "désirabilité"

Sur Tinder, c’est «un supermarché de la "chope"», assure Judith Duportail dans son livre. Fin 2015, l’application revendique 60 millions d’inscrits. Petite piqûre de rappel pour les profanes : si un profil nous intéresse, on glisse le pouce (swipe en anglais) vers la droite. Lorsque le sentiment (ou l’appétit) est réciproque, on obtient un match et on peut commencer à discuter. A contrario, un swipe vers la gauche et on laisse la personne en rayon pour les autres. En France, 45 millions de swipes sont réalisés chaque jour. Mais comment Tinder classe-t-il les différents profils qui apparaissent sur l’écran ? D'après l’entreprise, seules l’activité récente, les préférences d’âge/sexe et la géolocalisation entrent en jeu.

Oui mais... Judith Duportail souligne que ce système n’est pas aussi aléatoire. À commencer par la création d'une note dite de «désirabilité». Élaborée secrètement par Tinder, cette évaluation détermine la position de chaque utilisateur dans la liste des prétendants. En 2016, c’est le journaliste américain Austin Carr qui dévoile cette information dans la presse après un dîner avec le cofondateur de Tinder, Sean Rad. Ce dernier se vantait carrément d’avoir un score bien au-dessus de la moyenne. En 2017, Judith Duportail a cherché à connaître le sien, en vertu de la loi européenne sur la protection des données. Réponse de Tinder : pas de note divulguée mais l'envoi d'un document de 802 pages avec l'intégralité de ses données personnelles (curriculum vitae, contenu des messages, heure et lieu de connexion, données Facebook et Instagram) collectées par l'appli.

Selon nos interactions, cette note peut augmenter ou diminuer. Ainsi, fréquenter un premier de classe nous fera gagner des points tandis qu’un cancre nous en fera perdre. À l’origine, ce raisonnement, appelé «Elo Score», était utilisé dans les compétitions d’échecs et de jeux vidéo. Visiblement acculé par les révélations du livre, Tinder a annoncé dans un communiqué, diffusé sur son blog le 15 mars, avoir abandonné ce système de bonus/malus, affirmant qu’il était obsolète.

Un système qui fausse totalement la rencontre

«Notre système actuel ajuste les matchs potentiels que vous voyez, à chaque fois que votre profil est swipé à gauche ou à droite, et tout changement sur l'ordre des matchs potentiels qui vous sont présentés est effectué dans les 24 heures», assure Tinder dans sa déclaration. Une manière d’édulcorer la réalité. Contactée par une chercheuse en humanité digitale, Judith Duportail découvre que la société a fait breveter un système permettant d’identifier l’intelligence, les centres d’intérêts, le physique ou encore l’appartenance ethnique des utilisateurs en scannant leur biographie, leurs photos et même le contenu des messages privés. Tout cela dans le but de trouver des points en commun pour favoriser la rencontre et «faire naître une croyance en la destinée», selon la journaliste. Ainsi, nous pouvons matcher avec quelqu'un parce que nous avons les mêmes initiales, la même couleur des yeux...

Pis encore, on découvre que ce brevet, nommé US 2018/0150205A1 et disponible en libre accès sur Google Patents, se baserait sur «un modèle patriarcal des relations hétérosexuelles». Ainsi, l’algorithme favorise la mise en relation «des hommes plus âgés avec des femmes jeunes, moins riches et diplômées» mais pas l’inverse. De cette manière, les femmes d’âge mûr et les jeunes hommes sont désavantagés. Pour se justifier, le brevet explique que «des observations empiriques montrent que ces différences démographiques n’ont pas le même effet sur les choix effectués par les hommes et les femmes en matière de rencontres amoureuses».

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